
Expert en gouvernance climatique et œuvrant depuis plusieurs années dans le secteur de l’environnement et de l’assainissement en RDC, Alain Parfait partage avec Environews RDC ses réflexions sur l’impact d’une réforme de l’assainissement visant à réduire la pollution plastique à Kinshasa.
Entretien avec Alfredo Prince Ntumba
Alfredo Ntumba : La campagne de la Journée mondiale de l’environnement 2025 met l’accent sur la lutte contre la pollution plastique à l’échelle mondiale. Kinshasa, la capitale, est confrontée à ce problème depuis des décennies. Comment dépolluer cette mégalopole ?
Alain Parfait Ngulungu : C’est un effort collectif qui est nécessaire pour lutter contre les déchets plastiques. Il faut repenser la politique publique relative au Décret n° 17/018 interdisant la production, l’importation, la commercialisation et l’utilisation des sacs, sachets, films et autres emballages en plastique. Ce texte semble contradictoire avec l’article 53 de la Constitution révisée en 2011. L’article 1er interdit la production, l’importation, la commercialisation et l’utilisation des emballages plastiques pour la vente d’aliments, d’eau et de boissons, ainsi que les emballages non biodégradables. Cependant, l’article 2 exempte de cette interdiction les bouteilles d’eau, les boissons non alcoolisées en plastique et les petits pots pour certains produits alimentaires et pharmaceutiques. Cette contradiction affaiblit les efforts de lutte contre la pollution plastique et nécessite une révision du décret. Les conséquences sont visibles : les bouteilles en plastique jonchent les rues, les parcelles, les rivières et le fleuve Congo.
AN : N’y a-t-il pas là une certaine clarification à apporter ?
APN : L’absence de contrôle et de supervision, même avec une bonne intention du législateur, mène à des violations répétées. L’État et ses services doivent assumer leurs rôles. L’article 5 du décret prévoit une redevance de recyclage industriel des déchets plastiques, destinée à financer des projets de recyclage, mais il semble que rien n’ait été fait dans ce sens.
AN : Quelles sont les conséquences de la prolifération des déchets plastiques à Kinshasa ?
APN : Les déchets plastiques à Kinshasa causent de graves problèmes environnementaux et sanitaires. Ils polluent l’eau, les sols et l’air, menaçant la biodiversité et la santé publique. Les récentes inondations à N’djili et Limete/Ndanu, les maladies liées au manque d’hygiène et les difficultés d’accès à l’eau potable sont des conséquences directes de cette pollution. Environ 40 % de ces déchets à Kinshasa sont des plastiques jetés dans les rues, en raison d’une gestion défaillante et de l’absence de politique d’assainissement claire, entraînant la propagation de maladies comme la typhoïde et les diarrhées, ainsi que la multiplication des moustiques.
AN : Quelle approche recommandez-vous pour organiser une dépollution plastique à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement en RDC ?
APN : Tout en reconnaissant la nécessité d’une participation multi-acteurs, il faut d’abord repenser la politique nationale d’assainissement. Les programmes de salubrité récents, tels que Kin Bopeto et Kin ezo Bonga, n’ont pas tenu leurs promesses. Il est crucial de réaliser un diagnostic institutionnel approfondi, d’examiner le cadre de gouvernance et les outils existants pour identifier les obstacles et les défis et y remédier. Il est impératif d’améliorer la qualité du service de collecte des déchets chaque semaine dans tous les points noirs d’insalubrité de la ville, en utilisant éventuellement des méthodes comme la cartographie participative.
AN : Les ménages ont-ils un rôle à jouer dans cette réforme ?
APN : Absolument. La gestion des emballages plastiques dès les foyers est essentielle. Elle doit être soutenue par un processus d’information, d’éducation et de communication pour encourager les ménages à trier les déchets biodégradables et non dégradables, et à valoriser la bonne gestion des déchets pour réduire l’utilisation répétée d’emballages en plastique. Une telle pédagogie doit être intégrée dans les familles kinoises pour redonner à Kinshasa son image de « Kin la Belle ». Kinshasa réussira sa dépollution plastique si la réforme commence à la base et implique toutes les parties prenantes, tout en nécessitant un financement durable pour améliorer la gouvernance urbaine et parvenir à « désachetiser » Kinshasa.
Alfredo Prince NTUMBA