Actualités - Biodiversité

Un rapport mondial met en garde, « les liens brisés dans la nature menacent la vie sur Terre »

Featured Image

« Les rivières coupées par les barrages, l’expansion des terres agricoles et la croissance urbaine mettent en danger la nourriture, l’eau, la biodiversité et les moyens de subsistance si des mesures urgentes ne sont pas prises. » Insiste le rapport. A l’en croire, près d’un tiers de la surface terrestre a déjà été profondément transformé par l’activité humaine. Cela laisse les écosystèmes dégradés et fragmentés. C’est ce qui ressort d’un rapport thématique de Global Land Outlook sur la connectivité écologique et la restauration des terres, lancé ce samedi 11 octobre 2025, à Abou Dhabi.

Ce rapport a été rendu public lors du Congrès mondial de la nature de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).Cette étude réalisée par la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD) et la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS), montre que les paysages terrestres sont interconnectés telle une mosaïque vivante, maintenue ensemble par les mouvements des espèces et les flux naturels d’eau, de nutriments et d’énergie. Mais aujourd’hui, ces réseaux vitaux de rivières, de forêts et de prairies sont de plus en plus menacés, perturbant et diminuant le fonctionnement des systèmes naturels.

Face à cette situation, la Secrétaire exécutive de la CNULCD, a souligné l’urgence d’agir. « La vie sur notre planète dépend de la santé des sols et des ressources en eau, non seulement pour la nature, mais aussi pour les populations. Lorsque ces liens sont rompus, ce sont les plus vulnérables qui en souffrent en premier. Ce rapport montre que restaurer les écosystèmes signifie aussi restaurer les liens entre eux. Nous devons nous connecter pour restaurer et restaurer pour connecter, » a interpellé Yasmine Fouad.

Les écosystèmes sains sont l’infrastructure même de la nature. Ils assurent la circulation de l’eau, protègent les communautés des phénomènes météorologiques extrêmes et sécurisent l’approvisionnement en nourriture et en eau. La restauration à grande échelle des paysages permet également de piéger le carbone, de réduire les risques de catastrophe, de protéger la biodiversité et de créer des emplois.

Barron Orr, scientifique en chef de la CNULCD, a averti que tout retard est coûteux. « Lorsque les sols sont épuisés et les rivières polluées, la régénération est lente et coûteuse. La prévention et la restauration à grande échelle sont bien plus efficaces que d’attendre l’effondrement et de tenter ensuite de le réparer. »

Forts de cet avertissement, les pays sont exhortés à agir. Selon ce rapport, la connectivité écologique doit être intégrée à la planification des terres, de l’eau et des infrastructures. Les constats sont accablants. Plus de 60 % des fleuves du monde ont été détournés ou endigués. Le Mékong en est un exemple frappant. Autrefois le fleuve le plus productif de l’intérieur des terres, la pêche est aujourd’hui fragmentée par les barrages, perturbant les migrations de poissons et menaçant la sécurité alimentaire de millions de personnes.

« Le Serengeti-Mara en est un autre exemple. Les clôtures et l’expansion de l’agriculture entravent les migrations ancestrales des gnous et d’autres animaux sauvages, mettant en péril l’un des derniers grands spectacles naturels de la planète. Les routes, les voies ferrées et les villes continuent de fragmenter les habitats, ne laissant derrière elles que de petites parcelles de nature isolées. À l’échelle mondiale, le réseau routier devrait s’étendre de 60 % d’ici 2050, accentuant encore la pression sur les écosystèmes, » Souligne le rapport.

Cette perte de connectivité nuit à la nature comme aux populations. Elle fragilise les sols, réduit les récoltes, aggrave les pénuries d’eau et expose davantage les communautés aux sécheresses, aux inondations et aux incendies de forêt. Aujourd’hui, la dégradation des terres touche déjà jusqu’à 40 % de la planète, mettant en danger près de la moitié de l’humanité. Nos modes de production alimentaire, combinés au développement des infrastructures, à la pollution et au changement climatique, fragmentent les paysages et favorisent la déforestation, la perte de biodiversité et la dégradation des fonctions des écosystèmes.

Faisant écho à ces propos, la Secrétaire exécutive de la CMS, Amy Fraenkel, a déclaré : « La conservation des habitats dont dépendent les animaux sauvages est importante pour leur survie, mais elle ne suffit pas. Si les réseaux écologiques dont dépendent les animaux sauvages ne sont pas restaurés et reconnectés, les espèces migratrices telles que les grands félins, les antilopes, les poissons d’eau douce et les oiseaux continueront de décliner, et de nombreuses espèces sont déjà en danger critique d’extinction. Ces animaux font partie intégrante d’écosystèmes sains et fonctionnels dont dépendent la nature et les communautés humaines. Protéger ces voies de migration, c’est protéger notre avenir commun. »

Des modèles de réussite existent déjà, tels que la Ceinture verte européenne qui s’étend sur 24 pays de l’Europe du Nord aux Balkans et à la Méditerranée, formant l’un des plus grands réseaux écologiques au monde. Au Costa Rica, un système national de corridors fauniques a permis de reconnecter les forêts, de réintroduire des espèces comme le jaguar et de soutenir l’écotourisme et les moyens de subsistance locaux. En Bolivie, les communautés autochtones rétablissent la connectivité grâce à des pratiques agroforestières traditionnelles, enrichissant ainsi la biodiversité tout en améliorant les revenus, démontrant ainsi le rôle essentiel des savoirs et des droits locaux dans la résilience.

À mi-parcours de la Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes (2021-2030), il est rappelé aux dirigeants que les objectifs en matière de terres, de biodiversité et de climat ne peuvent être atteints qu’en travaillant ensemble. Cette démarche s’inscrit dans le droit fil du Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal, qui appelle à restaurer 30% des écosystèmes dégradés d’ici 2030 et à garantir l’intégrité et la connectivité des systèmes naturels de la planète. Il ne s’agit pas seulement de sauver la nature, mais de réparer le réseau de la vie dont dépendent les populations du monde entier. 

Sarah MANGAZA

ils nous ont fait confiance

AFDAFDGIZHirondelleSNELWWF