
La République Démocratique du Congo est en proie à une crise humanitaire grandissante, exacerbée par une flambée alarmante des prix des denrées alimentaires. La Ligue congolaise des droits des consommateurs (Lisco) a alerté le mercredi 6 août sur la difficulté croissante des Congolais à accéder aux produits de première nécessité, menaçant gravement la sécurité alimentaire et le bien-être de la population.
La hausse continue des prix des aliments de base (riz, maïs, manioc, légumes, fruits) résulte d’une combinaison de facteurs économiques, politiques et environnementaux, avec des répercussions désastreuses sur les communautés. Serge Mbuya Kilobo, président de la Lisco, a souligné que cette situation force les familles à consacrer une part disproportionnée de leurs revenus à l’alimentation, au détriment d’autres besoins essentiels. L’insécurité alimentaire conduit également à une malnutrition accrue, particulièrement chez les enfants, compromettant leur développement à long terme.
Conséquences dévastatrices et causes profondes
Selon le rapport 2023 du Programme Alimentaire Mondial, plus de 28 millions de personnes en RDC souffrent d’insécurité alimentaire, dont près de 4 millions se trouvent en situation d’urgence. Des acteurs économiques locaux pointent du doigt la forte dépendance du pays aux importations alimentaires et les inefficacités de la chaîne d’approvisionnement comme causes principales.
Grâce Munkulu, économiste à l’Université Pédagogique Nationale, ajoute que les infrastructures défaillantes, la corruption et l’insécurité dans plusieurs régions aggravent la situation. La dépréciation du franc congolais et les conflits armés dans l’est du pays frappent de plein fouet les ménages les plus vulnérables.
Intervention gouvernementale et indignation publique
Face aux dénonciations croissantes sur les réseaux sociaux concernant l’augmentation des prix, notamment sur la page Facebook « Les consommateurs lésés », le gouvernement congolais a réagi. Le ministre de l’Économie a annoncé le mardi 5 août l’envoi d’une équipe de son ministère pour une mission de contrôle des prix dans les supermarchés et grandes surfaces de Kinshasa, une opération qui sera étendue à l’ensemble du territoire national.
Cette initiative s’inscrit dans le cadre des actions de collecte de données et de suivi régulier des prix. Le ministère a affirmé son engagement à assurer une régulation rigoureuse et équitable pour protéger le pouvoir d’achat des ménages. Les missions visent à garantir la conformité des pratiques tarifaires avec les principes d’équité, de transparence et de protection du consommateur.
La page Facebook « Les consommateurs lésés » a particulièrement mis en lumière les prix exorbitants pratiqués par un groupe français, Carrefour, récemment implanté à Kinshasa. Des exemples frappants, comme trois pommes vendues à 67 000 FC ou un jus Innocent à 64 000 FC (alors qu’il coûte environ 3 € en France), ont suscité l’indignation.
Des internautes appellent à des enquêtes permanentes et à une surveillance continue des entreprises, publiques et privées, pour s’assurer de la conformité des prix et des services. Ils insistent sur la nécessité de protéger les consommateurs en amont, avant que les préjudices ne soient causés, et demandent au ministère d’étendre ces enquêtes à d’autres secteurs économiques où des acteurs étrangers profiteraient de l’absence de régulation étatique.
Mise en garde du gouvernement
Le Ministère de l’Économie nationale a invité les opérateurs économiques à coopérer pleinement avec les équipes de contrôle et a appelé la population à la vigilance, tout en évitant les généralisations hâtives basées sur des cas isolés.
La mission de contrôle du ministère, d’une durée de 15 jours, vise à garantir le respect de la réglementation en matière de fixation des prix, notamment dans les supermarchés et grandes surfaces de Kinshasa. La flambée des prix des denrées alimentaires en RDC est un défi urgent qui exige une réponse coordonnée pour protéger des millions de vies et de moyens de subsistance. Le ministère a appelé au calme, précisant que la situation dénoncée ne reflète pas la réalité de la majorité des supermarchés, qui restent accessibles à la population.
Albert MUANDA