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Les défenseurs fonciers et environnementaux face à des risques accrus, des violations en hausse et une impunité persistante

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La République Démocratique du Congo, pourtant dotée d’un cadre légal et constitutionnel favorable à la protection des droits de l’homme, y compris des défenseurs de l’environnement, est le théâtre de violations alarmantes et d’une insécurité croissante pour ces acteurs essentiels. Un rapport récent de l’ACEDH (Alerte congolaise pour l’environnement et els droits de l’Homme), met en lumière une situation critique pour les défenseurs fonciers et climatiques, confrontés à des assassinats, des arrestations arbitraires et des menaces, souvent en toute l’impunité.

Au cours du premier semestre 2025 (janvier-juillet), l’ACEDH a documenté un total de 16 cas de violations graves, dont 7 assassinats, 3 arrestations arbitraires, 1 enlèvement, et 1 cas de poursuites abusives. S’ajoutent à cela 3 cas de menaces et de surveillance, 1 cas de pillage, et un nombre préoccupant de 57 plaintes pour menaces et attaques en ligne via les réseaux sociaux et messages téléphoniques, ciblant des défenseurs de l’environnement et des droits des communautés locales. Des sources non encore pleinement documentées par la société civile évoquent également plus de 60 cas d’exécutions de défenseurs fonciers et agriculteurs dans les territoires de Rutshuru et Nyiragongo, attribuées à des éléments présumés du M23.

Ces chiffres macabres soulignent la réalité dangereuse dans laquelle évoluent ces sentinelles de l’environnement. Les zones les plus touchées sont celles à forte activité extractive (pétrolière, minière, forestière), les parcs nationaux et les zones sous occupation de groupes armés tels que le M23 et les Wazalendo. Les forces gouvernementales et provinciales, ainsi que des sociétés minières et d’exploitation forestière illégales, sont également pointées du doigt comme auteurs de ces violations.

Malgré l’adoption de la loi n° 23/027 relative à la protection et la responsabilité des défenseurs des droits humains en RDC en juin 2023, son application est mitigée et certains de ses articles (notamment 4, 2, 3, 26, 27 et 28) sont perçus comme des freins et des mécanismes de poursuites stratégiques (SLAPP) contre les défenseurs ruraux.

Le cas de 5 défenseurs climatiques injustement condamnés à 20 ans de prison par le Tribunal Militaire de Garnison de Goma, pour avoir défendu les droits fonciers de 36 000 paysans et lutté contre la déforestation du Parc des Virunga et l’exploitation pétrolière, en est une illustration flagrante. Leur président, Obed Karafuru, a d’ailleurs été assassiné en 2023 sans qu’aucune enquête ne soit ouverte.

Les difficultés rencontrées par les organisations comme l’ACEDH sont nombreuses : absence de mécanisme coordonné de collecte de données, instrumentalisation de la dimension sécuritaire (M23/RDF) pour criminaliser les défenseurs, insuffisance des moyens financiers et logistiques, absence de routes et de communication dans les zones reculées, faible densité judiciaire, et l’implication de hauts responsables politiques et militaires dans les activités extractives illégales.

Face à cette situation préoccupante, des recommandations urgentes sont adressées au Gouvernement congolais et à la Communauté internationale. Il est impératif de soutenir l’adoption d’un accord régional sur les droits environnementaux (type Convention ESCAZU en Afrique), de mettre en place un cadre de concertation pour le suivi des défenseurs, de faciliter l’évacuation d’urgence des défenseurs menacés, et de réviser la loi de protection des défenseurs pour supprimer les dispositions répressives. Des enquêtes spécifiques sur les activités extractives et l’intégration des droits des défenseurs dans les discussions de paix sont également cruciales.

Les mécanismes de protection des défenseurs et la société civile locale sont appelés à renforcer leur action : accorder une attention soutenue aux défenseurs ruraux, mobiliser des fonds pour leur protection, soutenir le monitoring et le soutien légal aux victimes, et dénoncer la corruption.

La protection des défenseurs fonciers et climatiques est une condition sine qua non pour la protection de l’environnement et le respect des droits humains en RDC. L’impunité persistante et la multiplication des violations appellent à une action concertée et immédiate de toutes les parties prenantes.

 Alfredo Prince NTUMBA

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