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« Luxe et durabilité – la vision de Kechi Ibe pour l’éco-avenir de l’Afrique ».

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Le fondateur du Kahera Country Club explique comment le design écologique, les crédits carbone et la technologie transforment l’hôtellerie.

Intervieweur : Kechi, vous êtes considéré comme l’une des nouvelles voix à la tête du mouvement africain pour le tourisme de luxe et le développement durable. Concrètement, que signifie la durabilité pour vous ?

Kechi Ibe : Pour moi, la durabilité, c’est concevoir des systèmes qui redonnent plus qu’ils ne prennent. Il ne s’agit pas seulement de planter des arbres ou de se passer de papier ; il s’agit de repenser notre façon de construire, de consommer et de fonctionner. Au Kahera Country Club d’Abuja, par exemple, nous avons intégré la durabilité au cœur de nos opérations. Nous avons planté plus de 750 arbres, 6 000 arbustes et 30 000 couvre-sols, toutes des espèces indigènes et résistantes à la sécheresse. Ce n’est pas de l’aménagement paysager, c’est un écosystème. Ces plantes contribuent à rafraîchir l’environnement, à absorber le carbone et à soutenir la biodiversité tout en offrant une expérience luxueuse.

Interviewer : C’est impressionnant. Beaucoup pensent encore que luxe et durabilité ne font pas bon ménage. Comment concilier les deux ?

Kechi Ibe : Le luxe n’est pas une question d’excès, mais d’intention et de qualité. Aujourd’hui, le véritable luxe, c’est l’air pur, les grands espaces verts et un environnement où l’on se sent bien. Chez Kahera, nous utilisons l’énergie solaire, des systèmes économes en eau et des matériaux à faible émission de carbone. De notre conception à nos opérations quotidiennes, tout est axé sur la réduction des déchets et de la consommation d’énergie. Les clients apprécient le confort, mais derrière cette expérience se cache un modèle de durabilité axé sur les données.

Interviewer : Vous avez évoqué les données et la technologie à plusieurs reprises. Comment la technologie s’intègre-t-elle à ce contexte ?

Kechi Ibe : La technologie est l’épine dorsale de la durabilité moderne. On ne peut pas gérer ce qu’on ne mesure pas. Partout en Afrique, nous commençons à utiliser la technologie RFID pour suivre les matériaux et les déchets, l’IA et l’imagerie satellite pour surveiller les espaces verts, et la blockchain pour vérifier les crédits carbone. Ces outils garantissent transparence et responsabilité : ils transforment la durabilité d’une idée abstraite en résultats mesurables.

Chez Kahera, nous posons les bases de ce que nous appelons notre « registre vert ». Il permettra de suivre chaque année le nombre d’arbres plantés, les économies d’énergie, le recyclage de l’eau et le détournement des déchets. À terme, ces données pourront se transformer en crédits carbone vérifiables, une nouvelle source de revenus qui financera de nouveaux projets environnementaux.

Intervieweur : Vous dirigez également 7:17 Analytics, une entreprise axée sur la durabilité et les données. Comment cela s’articule-t-il avec votre travail avec Kahera et le débat plus large sur les crédits carbone ?

Kechi Ibe : Excellente question. 7:17 Analytics est né du besoin de structurer, de fournir des données et de la transparence aux efforts de développement durable de l’Afrique. L’un des plus grands défis des crédits carbone sur le continent est la vérification. Des projets incroyables existent : plantation d’arbres, cuisson propre, bouteilles de GPL composites, mais sans données fiables, ils peinent à intégrer les marchés internationaux du carbone.

Chez 7:17, nous construisons un écosystème numérique qui relie directement les projets de développement durable à un impact mesurable. Notre future application et plateforme web utilise l’étiquetage RFID, des capteurs IoT et l’intégration de données satellite pour suivre l’ensemble de vos actions, de l’utilisation des bouteilles dans les programmes d’énergie propre à la croissance du reboisement et à la réduction des émissions. Chaque action – un arbre planté, une bouteille échangée, un biodigesteur installé – est enregistrée, horodatée et vérifiée.

Cela signifie qu’une entreprise ou un projet communautaire africain peut désormais démontrer ses économies de carbone en temps réel. Une fois vérifiées, ces données peuvent être converties en crédits carbone, échangées ou monétisées en toute confiance. Il s’agit de rendre accessible, automatisé et transparent un processus souvent très technique et fragmenté.

Notre vision est de faire de 7:17 Analytics le pilier des données de l’économie verte africaine, en reliant impact environnemental, technologie et finance. Le Kahera Country Club est notre première étude de cas concrète de cette vision : chaque pratique durable y génère des données mesurables qui pourraient un jour générer des crédits vérifiés.

Interviewer : À propos des crédits carbone, l’idée que l’Afrique devienne un acteur majeur du marché du carbone suscite beaucoup d’intérêt. Qu’en pensez-vous ?

Kechi Ibe : L’Afrique a une opportunité considérable. Nous possédons environ 30 % des écosystèmes mondiaux de séquestration du carbone, mais nous percevons moins de 3 % des revenus mondiaux des crédits carbone. C’est un déséquilibre que nous pouvons corriger.

Si nous mettons en place des projets crédibles, technologiques et communautaires – et pas seulement des forêts sur le papier – l’Afrique peut devenir un fournisseur clé de crédits carbone de haute intégrité. Ceux-ci peuvent financer la conservation, les énergies renouvelables et les infrastructures durables, tout en créant des emplois et des moyens de subsistance.

Mais la crédibilité est primordiale. Les projets doivent être transparents, vérifiables et bénéfiques pour les communautés locales. C’est là que la technologie entre en jeu : garantir l’exactitude des données, éviter les doubles comptages et prouver un impact réel.

Interviewer : Comment voyez-vous cette vision évoluer au-delà du Kahera Country Club ?

Kechi Ibe : Notre modèle prouve que durabilité et rentabilité peuvent coexister. Si les complexes hôteliers, les lotissements et même les petites exploitations agricoles adoptent des cadres similaires – mesure, reporting et amélioration des performances environnementales – nous pouvons transformer l’empreinte carbone du continent.

Le Kahera Country Club est notre prototype. C’est là que nous démontrons que conception éco-responsable, luxe et responsabilisation fondée sur les données peuvent coexister. Mon rêve est que la durabilité devienne la norme en Afrique, et non un simple facultatif.

Interviewer : Enfin, quel message souhaiteriez-vous transmettre aux entrepreneurs et aux décideurs politiques africains en matière de durabilité ?

Kechi Ibe : N’attendez pas que le monde vous approuve. L’Afrique n’a pas besoin de copier les modèles occidentaux de durabilité ; nous pouvons définir les nôtres. Grâce à notre capital naturel, à notre jeunesse et à notre créativité, nous pouvons mener la prochaine renaissance verte.

La durabilité n’est pas une tendance ; c’est la nouvelle monnaie d’échange. La question n’est pas de savoir si l’Afrique peut être compétitive, mais plutôt de savoir si nous choisissons de revendiquer notre place dans l’économie verte mondiale.

ils nous ont fait confiance

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