
Les scientifiques et experts des secteurs de la forêt, du climat et de la biodiversité se sont réunis à Kinshasa pour un colloque international visant à évaluer les dix ans de la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le climat, adopté en 2015. Durant les trois jours de cet événement, lancé ce mardi 21 octobre, les participants devront formuler des recommandations clés à intégrer dans la feuille de route de la République Démocratique du Congo (RDC) pour alimenter les discussions lors de la 30ème Conférence des Parties sur le Climat (COP30), qui se tiendra à Belém, au Brésil, en novembre
« Nous organisons ce colloque pour évaluer la mise en œuvre de l’Accord de Paris. C’est un accord qui a totalisé 10 ans, et nous estimons qu’il est suffisamment mature pour une analyse approfondie. Nous souhaitons que les chercheurs et les professionnels présents ici puissent réfléchir ensemble pour l’évaluer », a déclaré le Professeur Cléo Mashini Mwatha, Directeur du Centre des Recherches Interdisciplinaires en Droits de l’Environnement.
Selon les organisateurs, cette évaluation vise à identifier les succès de l’accord, leur impact et les motivations des parties prenantes. Les experts devront également relever les goulots d’étranglement qui entravent la mise en œuvre d’autres aspects de cet accord historique et formuler des recommandations pour surmonter les défis rencontrés.
« Nous recherchons des angles morts, c’est-à-dire des éléments qui n’ont pas été pris en compte, afin de voir dans quelle mesure nous, en tant que scientifiques, pouvons apporter des contributions conséquentes. Cela nous permettra d’accompagner l’État dans la mise en œuvre des objectifs de l’Accord de Paris et d’aider les communautés locales avec des outils qui leur permettront de protéger l’environnement et de restaurer les espaces verts dans le pays. Les défis sont nombreux et nous allons essayer de les passer en revue durant ces deux jours », a renchéri le professeur Mashini Mwatha.
Lors de cette première journée, les scientifiques ont également souligné les difficultés auxquelles la RDC est confrontée dans la mise en œuvre de ses engagements, notamment l’accès aux financements climatiques, le transfert de technologies et le manque de capacités de mobilisation de financements internes pour appuyer sa stratégie d’adaptation.

Le Directeur général de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN), Yves Milan Ngangay, a mis en lumière l’engagement de la RDC à travers la création du Couloir Vert Kivu-Kinshasa pour appuyer l’effectivité de l’Accord de Paris. Ce projet, initié par le Président Félix Tshisekedi, est une aire protégée de 540 000 km² qui vise à relier écologiquement les habitats critiques, protégeant des espèces emblématiques comme le Bonobo, le Gorille de Montagne et l’Okapi. Il intègre également les communautés locales dans un modèle de développement durable, avec des objectifs de création d’emplois et de promotion de l’agroécologie et de l’écotourisme. Le Couloir Vert Kivu-Kinshasa est perçu comme une réponse intégrée aux défis climatiques, aux conflits et à la pauvreté, et pourrait générer des emplois dans le reboisement, la transformation agricole et le tourisme durable.
À l’en croire, ce colloque est une opportunité unique pour bâtir des synergies entre l’écologie, l’économie et la gouvernance.
« Ce projet incarne notre vision d’une conservation territoriale interconnectée et résiliente. À cette idée, nous avons intégré la dimension climatique dans nos plans de gestion, en s’alignement avec les contributions déterminées au niveau national de la République Démocratique. Nos équipes, soutenues par des chercheurs nationaux et internationaux, mènent des études sur la dynamique des espèces, la collectivité des habitats et la vulnérabilité des écosystèmes face aux pressions anthropiques », a rassuré le DG de l’ICCN, Yves Milan Ngangay.
L’organisation de ce colloque a bénéficié d’un appui technique et financier de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Contexte de l’Accord de Paris et de la COP30
L’Accord de Paris, adopté en décembre 2015 lors de la COP21, représente un tournant historique dans la lutte contre le changement climatique. Il réunit près de 200 Parties dans un engagement commun pour limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2°C, tout en poursuivant les efforts pour le contenir à 1,5°C. L’année 2025 est considérée comme charnière, où les États devront renforcer leurs ambitions et mettre en œuvre des politiques plus audacieuses. La France, l’ONU Climat et le Brésil ont d’ailleurs lancé le label « 10 ans de l’Accord de Paris » pour promouvoir les initiatives qui reflètent l’esprit de l’accord.
La COP30, qui se tiendra à Belém, dans l’Amazonie brésilienne, du 10 au 21 novembre 2025, est un événement crucial. Le Brésil, en tant que pays hôte, cherche à consolider son partenariat avec la RDC et d’autres pays du bassin du Congo pour renforcer la coopération et la continuité des négociations climatiques. La ministre brésilienne de l’Environnement, Marina Silva, et son homologue congolaise, Marie Nyange Ndambo, ont déjà eu des discussions stratégiques à Brasilia, soulignant la position cruciale de leurs deux pays, les « poumons du monde », dans la lutte climatique. Elles se sont engagées à plaider pour une justice climatique et des financements adéquats pour les pays dotés de forêts tropicales, notamment via le mécanisme du « Tropical Forest Forever Facility (TFFF) ».
La Pré-COP30, tenue à São Paulo, a déjà été un moment clé pour galvaniser les efforts mondiaux, avec des discussions sur la décarbonisation, la protection des écosystèmes et le financement de projets durables, ainsi que des appels à un soutien accru pour les pays en développement.
Albert MUANDA